Nom du livre: La Poursuite de l'ombre
Le nom de l'auteur: Mehmed Uzun
Nom du traducteur: Fawaz Husên
Traduction de la langue: Kurde
Lieu de traduction: Paris
Nom d'impression: Phebus
L'année d'impression du livre: 1999
[1]
Fondateur à soi presque seul du roman kurde moderne, Mehmed Uzun, exilé à Stockholm, traduit aujourd'hui dans une demi-douzaine de langues – mais encore ignoré en France –, est en train de s'imposer comme l'une des voix singulières de notre fin de siècle. La Poursuite de l'ombre (1998), d'évidence son oeuvre la plus ambitieuse, a suscité dès sa sortie l'enthousiasme du grand écrivain turc Yachar Kemal – qui a bien voulu en préfacer l'édition française.
Des années vingt à notre époque, nous suivons l'itinéraire de Memduh Selim, intellectuel kurde engagé dans le combat pour la liberté de son peuple (rappelons que les traités qui ont mis fin à la Première Guerre mondiale prévoyaient la création d'un Kurdistan indépendant, lequel ne verra jamais le jour). Le parcours de Memduh se confondra donc avec un exil – Istanbul, Alexandrie, Le Caire, Alep, Antioche, Beyrouth –, un combat pour rien, un deuil consenti.
Méditation sur la destinée et ses traverses, le roman, on ne s'en étonnera pas, offre une large place aux déconvenues de l'amour : si l'objet du désir se confond ici avec les figures mythiques de la littérature courtoise, c'est que les tisseurs de récits de l'Orient ont de tout temps préféré le reflet à la proie, la poursuite à la prise.
Memduh aura voué sa vie à la perte de ce qu'il aimait : femme-mirage, pays fantôme, amis emportés par la mort violente ou dispersés par le vent. A quoi bon s'insurger contre cela ? Prince ou exilé, l'homme n'est-il pas destiné à chercher en vain l'oasis ombreuse où il pourra reposer sa fatigue, étancher sa soif ?
Le constat pourrait être désespérant si nous n'étions en Orient justement, où toute réalité, même l'horreur, prend spontanément couleur de légende; où les idées mêmes au nom desquelles s'engagent les hommes se dissolvent pour finir dans la quête de la saveur des choses.
Conclusion de Yachar Kemal : « Le lecteur se sent tout de suite ensorcelé... Seuls les maîtres sont capables de franchir ce seuil où la simplicité obtient pouvoir de tout dire. »